La population de Téhéran paiera « le prix » de l’inflexibilité des dirigeants iraniens, a déclaré lundi le ministre israélien de la Défense à la suite de nouvelles attaques contre Tel Aviv et Haïfa, qui portent à au moins 24 morts le nombre de victimes en Israël depuis le début du conflit entre l’Etat hébreu et l’Iran.
Le bilan côté iranien de cette confrontation armée, qui menace l’équilibre précaire du Moyen-Orient, est d’au moins 224 morts depuis vendredi, dont 90% de civils, selon le ministère de la Santé à Téhéran. Les victimes en Israël sont toutes civiles, selon les autorités israéliennes.
Des missiles iraniens se sont abattus dans la nuit de dimanche à lundi sur Tel Aviv et la ville portuaire de Haïfa (nord), détruisant des habitations et faisant au moins huit morts, rapportent les services de secours.
Des feux se sont déclarés dans une centrale électrique proche de Haïfa après les tirs de représailles iraniens, qui ont fait une centaine de blessés au sein de la population israélienne, dont une trentaine à Haïfa même.
Des explosions ont retenti à Tel Aviv, ainsi qu’au-dessus de Jérusalem. L’Etat d’Israël est protégé par un système de défense aérienne, le « Dôme de fer », qui est censé intercepter roquettes, obus et missiles mais ce « parapluie » peut être percé s’il est confronté à des salves de missiles empruntant en nombre au même moment la même trajectoire.
Plusieurs immeubles d’habitation ont été détruits dans la banlieue densément peuplée de Tel Aviv. Les vitres de plusieurs hôtels ont été soufflées à quelques centaines de mètres d’un bâtiment de la représentation diplomatique américaine dans cette ville bordant la mer Méditerranée.
L’ambassadeur américain en Israël, Mike Huckabee, a déclaré sur X que le bâtiment avait subi des dégâts mineurs dus aux « ondes de choc » des frappes iraniennes.
« Nous sommes allés dans l’abri de l’autre côté de la rue. Et là, la porte (de l’abri) a été soufflée », témoigne Guydo Tetelbaun, un habitant de Tel Aviv âgé de 31 ans. Les sirènes d’alerte anti-aérienne avaient retenti peu après 04h00 (01h00 GMT).
« Un couple est arrivé, en sang, avec de nombreuses blessures. Quand nous avons voulu retourner à l’appartement, quand ça s’est calmé, il ne restait plus grand chose, les murs s’étaient effondrés, il n’y avait plus de vitres », dit-il.
« C’est terrifiant parce qu’on est en pleine incertitude. (…) Soit la situation va empirer, soit s’améliorer, je l’espère, mais c’est ne pas savoir qui est le plus effrayant », ajoute Guydo Tetelbaun.
« DES DIZAINES DE DRONES » IRANIENS
Des missiles sont également tombés près du Marché du Carmel (Shuk HaCarmel) dans le centre-ville de Tel Aviv, un marché historique en plein air d’ordinaire très fréquenté par les habitants et les touristes. Petah Tikva, au nord-est de Tel Aviv, a également été touchée et une école a été endommagée à Bnei Brak, dans la banlieue nord-est également.
Les Gardiens de la révolution iraniens, qui ont promis une « réponse dévastatrice » à l’opération « Rising Lion » déclenchée vendredi par Israël contre les dirigeants du régime iranien et les infrastructures militaires et nucléaires du pays, ont déclaré avoir recouru pour cette dernière attaque à une nouvelle tactique neutralisant les défenses anti-aériennes israéliennes en les retournant les unes contre les autres.
« Les initiatives et les capacités utilisées dans cette opération – malgré le soutien total des Etats-Unis et des puissances occidentales et la possession des technologies de défense les plus modernes et les plus récentes – ont permis aux missiles de frapper avec succès et au maximum les cibles situées dans les territoires occupés », ont-ils dit.
Des dizaines de drones armés ont atteint avec succès des cibles en Israël, a affirmé le général Kioumars Heydari, commandant des forces armées terrestres iraniennes, cité par l’agence Irna.
L’armée israélienne n’a pas répondu dans l’immédiat à une demande de commentaire. Les autorités du pays ont prévenu la population dès le début de l’offensive militaire que les systèmes de défense anti-aériens n’étaient pas efficaces à 100% et que des jours difficiles l’attendaient.
« Le dictateur arrogant de Téhéran est devenu un lâche assassin qui vise délibérément les civils en Israël pour dissuader les Forces de défense israélienne de continuer l’offensive qui réduit à néant ses capacités », a écrit le ministre de la Défense israélien, Israël Katz, sur X.
« Les habitants de Téhéran en paieront le prix, et bientôt », menace-t-il.
L’IRAN VA SE RETIRER DU TNP
Le ministre a par la suite modéré la virulence de ses propos dans un communiqué, expliquant que Tsahal n’entendait pas attenter à la vie des habitants de Téhéran, mais que le « prix de la dictature » à payer serait d’évacuer leur domicile dans les zones appelées à être bombardées par l’armée israélienne.
L’état-major de Tsahal a déclaré lundi matin avoir mené de nouveaux bombardements sur des centres de commande de l’armée iranienne et des Gardiens de la Révolution islamique. Quatre hauts gradés du renseignement iranien ont été tués, a-t-il dit.
Un porte-parole militaire a déclaré que des locaux du programme nucléaire iranien, situés dans des immeubles, avaient été détruits.
L’armée israélienne précise par ailleurs qu’un missile tiré du Yémen en direction du territoire israélien est tombé lundi avant d’entrer dans l’espace aérien d’Israël. Huit drones en provenance d’Iran ont été détruits par des navires lance-missiles de la marine israélienne dimanche soir, ajoute-t-elle.
Pour la première fois, le système de défense Barak Magen a été utilisé en situation réelle, avec des missiles intercepteurs de cibles aériennes et un intercepteur laser de longue portée.
Le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, a dit lundi que les installations nucléaires d’Ispahan (centre) avaient été touchées, dont le laboratoire central de chimie et une usine de conversion d’uranium.
Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères a fait savoir lundi que le Parlement préparait une proposition de loi prévoyant le retrait de l’Iran du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) qu’il a ratifié en 1968.
Le président iranien, Massoud Pezeshkian, a assuré lundi devant le Parlement que Téhéran n’avait nullement l’intention de se doter de l’arme nucléaire mais qu’il entendait poursuivre ses recherches en matière de nucléaire civile.
Le chancelier allemand, Friedrich Merz, a dit espérer que le sommet des dirigeants du Groupe des Sept (G7), qui s’ouvre lundi au Canada, aboutirait à un accord permettant de stopper l’escalade.
« Cette question figurera en bonne place à l’ordre du jour du sommet du G7 », a-t-il déclaré à la presse.
Le président américain Donald Trump a souhaité dimanche qu’Israël et l’Iran parviennent à un cessez-le-feu, estimant toutefois que des pays devaient parfois d’abord « régler leurs comptes ».
L’Iran a fait savoir aux médiateurs du Qatar et d’Oman qu’il n’était pas disposé à négocier un cessez-le-feu tant qu’il serait attaqué par Israël, a déclaré dimanche à Reuters un responsable au fait du dossier.
Pour suivre le déroulement en direct de la journée :
(Rédactions de Reuters, rédigé par Howard Goller; version française Camille Raynaud et Sophie Louet, édité par Blandine Hénault)
